Pour beaucoup de Portugais, le sentiment aujourd’hui est de déception, face à ce que beaucoup d'entre eux considèrent comme une trahison des idéaux du 25 avril 1974.
Le Portugal fête aujourd’hui les 40 ans de la Révolution des Oeillets. Les esprits devraient être à la fête, pour commémorer une révolution qui est entrée dans l’histoire comme un coup d’Etat pacifique, sans presque aucune effusion de sang, une révolution à la portugaise, menée par le peuple aux “moeurs douces”, fleurs aux fusils. Une révolution pacifique donc, mais dans la détermination à se défaire d'une dictature oppressante et obscurantiste qui a tyrannisé le pays pendant presque un demi-siècle, qui l’a embourbé dans une guerre coloniale le laissant exsangue de ses finances et de sa jeunesse, l’a isolé sur le plan international et a presque éteint l’étincelle de démocratie née avec la Première République (1910-1926).
Cependant, pour beaucoup de Portugais, le sentiment aujourd’hui est de déception, face à ce que beaucoup d'entre eux considèrent comme une trahison des idéaux du 25 avril 1974. L’austérité imposée par la Troïka n'est pas due à la frivolité économique avec laquelle beaucoup de Portugais auraient vécu pendant les années 90 et au début des années 2000, selon l'insinuation du p.d.g. d’un grand groupe économique portugais. L'homme qui a encouragé le crédit irresponsable et à tout crin (même pour passer des vacances en République Dominicaine), c’est Vitor Constâncio, qui fut gouverneur de la Banque Centrale portugaise et est aujourd'hui un des vice-présidents de la BCE.
Le pays se trouve dans l’état qui est le sien aujourd'hui à cause de dérives comme celle-ci et d’autres encore du pouvoir politique des 20 dernières années, qu’il soit de droite ou de gauche (Cavaco Silva, António Guterres et José Socrates). Beaucoup de députés portugais sont bien plus affairés à servir leur propres intérêts, ceux des entreprises et des puissantes études d’avocats pour lesquels ils travaillent parallèlement à leurs fonctions au Parlement, qu’à servir le peuple qu’ils sont appelés à représenter.
Aujourd’hui le peuple est libre, mais beaucoup manquent de pain. “Il n’y aura de vraie liberté que lorsqu'il y aura la paix, du pain, des logements, la santé et l'éducation”, chantait déjà Sérgio Godinho en 1974. La paix seule est acquise... pour l’instant. Pour le reste il s'agit de conquêtes qui souffrent une érosion, et qui échappent à chaque fois à plus de Portugais. La faim et la misère sont à nouveau dans les rues. Dans les rues d’un pays de l’UE, pourtant considérée comme un exemple civilisationnel et politique.
Le peuple s’exaspère et proteste: les trois D du 25 avril 1974 – “démocratiser, développer et décoloniser” – ce peuple les remplace désormais par trois nouveaux “D”: désobéir, “dé-troiker” (sortir de la troika) et démettre (le gouvernement). Le peuple manifeste, mais finit par émigrer. Il n’y avait pas autant d’émigration (plus de 100.000 par an) depuis les années 60. Les Portugais fuyaient alors la dictature et la misère, aujourd’hui ils fuient à la recherche d’un avenir que leur propre pays leur refuse.
José Luis Correia
in "Luxemburger Wort", 25.04.2014
sexta-feira, 25 de abril de 2014
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